Vers une philosophie des soins dans lentraînement des
habiletés sociales.
Jérôme Favrod / Genève
Suite à quelques remarques et critiques au
sujet du contenu de ce site, je propose ici quelques éléments de réflexions concernant
une philosophie des soins qui devrait permettre dintégrer plus largement les
techniques utilisées.
Conception de santé
Le taux de rémission spontanée de la
schizophrénie est de 20%. Ceci oblige une redéfinition du concept de santé. Celle-ci ne
peut pas être conçue comme labsence de maladie ou un état de bien-être sur les
plans bio-psycho-sociaux. Lobjectif des soins (la santé) nécessite une définition
atteignable. Dans le cas de la schizophrénie, il est utile de redéfinir la santé comme
la capacité de poursuivre sa croissance dans les différentes étapes du cycle vital
malgré la maladie. Cette définition implique que le patient parvienne à gagner du
contrôle sur sa maladie et son traitement afin que ceux-ci interfèrent le moins possible
avec la croissance de la personne. Dès lors, le patient peut apprendre les habiletés
nécessaires pour mieux faire face au stress et accomplir ces objectifs de vie dans le
cadre des limitations induites par la maladie. Par exemple, le patient peut avoir le
projet légitime davoir une relation sentimentale, qui sera possible dans la mesure
où sa maladie est contrôlée et où il aura acquis les habiletés sociales nécessaires
pour faire la connaissance de personnes du sexe opposé. En revanche, les atteintes de la
maladie peuvent ne pas lui permettre de suivre certaines formations qui exigent une
attention soutenue et la capacité de gérer des périodes de stress important. Il devra
alors opter pour une activité moins ambitieuse et faire le deuil provisoire ou permanent
de ses ambitions en fonction de lévolution de la maladie.
Conception de la personne
(bénéficiaire des soins)
La personne soignée doit être conçue
comme un être capable de croissance et dapprentissages, même si ceux-ci sont
ralentis par la maladie. Il est essentiel de distinguer les éléments qui font partie de
la maladie de ceux qui font partie de la personnalité. Un patient peut par exemple rester
tout un après-midi isolé dans sa chambre, allongé sur son lit, pour faire face à ses
hallucinations auditives. Si on fait abstraction de la maladie, son comportement pourra
être interprété comme de la paresse. Un autre patient ayant de la peine à se rendre
régulièrement à son atelier protégé à cause dun manque dinitiative
pourra être compris comme une preuve de mauvaise volonté. Cest pourquoi, il est
utile de comprendre le patient comme faisant du mieux quil peut en fonction de la
situation actuelle. Ce principe permet aux soignants dadapter leurs attentes aux
possibilités du patient et de réduire le stress lié à des exigences trop élevées. Le
comportement du patient peut alors être compris dans le cadre des variables biologiques,
environnementales et personnelles décrites dans lintroduction de ce document. Cette
conception des soins présente lavantage de professionnaliser les soins et de
réduire le risque de découragement chez les soignants.
Conception des soins
(intervention avec les bénéficiaires des soins)
Les soins devraient avoir pour but de
favoriser lautonomie des patients en prenant en compte les aspects liés à la
maladie, à la personne et à lenvironnement. Dans le domaine de la réhabilitation
psychiatrique, les soins ont été validés par de nombreuses études. Ils sont délivrés
dans le cadre dun rapport collaboratif avec le patient et axés sur les objectifs
personnels du patient. Les soins visent à favoriser la capacité du patient à prendre
des décisions et faire ses choix en évaluant leurs conséquences. Les professionnels ont
pour fonction daider le patient en lui donnant des informations objectives basées
sur les connaissances scientifiques et de soutenir ses ressources et ses compétences pour
concrètement aller dans le sens des objectifs établis. Il est important de souligner que
si soigner une personne atteinte de schizophrénie implique la maîtrise de compétences
relationnelles comme lempathie, la chaleur dans le cadre dun objectif commun,
celles-ci ne sont pas, et de loin, suffisantes. Les soins doivent être intégrés à un
traitement pharmacologique et utiliser des techniques dapprentissage qui visent à
contourner les altérations cognitives et comportementales des patients. Ils impliquent
également une collaboration étroite avec lentourage du patient qui aura besoin
dinformations et de soutien.
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