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Les grands principes de la Réhabilitation Psychosociale

Guy M. Deleu / Charleroi


La Réhabilitation Psychiatrique est une tentative d’intégration de deux approches des personnes souffrant de maladie mentale sévère et persistante:

  • l’approche sociale de la Réhabilitation Psychosociale
  • l’approche médicale de la Psychiatrie

La Réhabilitation Psychosociale s’est développée aux USA après la 2éme guerre mondiale comme une alternative sociale au modèle médical dominant dans le traitement des patients psychiatriques. Elle est définie comme un " processus qui facilite le retour d’un individu à un niveau optimal de fonctionnement autonome dans la communauté ". Elle met l’accent sur l’intégrité et les forces de l’individu plutôt que sur sa maladie et propose une approche globale incluant la réadaptation au travail, le logement, les loisirs sociaux, l’éducation et l’adaptation personnelle (Cnaan, 1998). Elle est un ensemble de pratiques " en attente de théorie "(Saraceno dans Vidon, 1995). Si elle n’est pas sous-tendue par une théorie, elle possède du moins des principes généraux auxquels adhère l’ensemble des praticiens de cette discipline (voir plus loin).

La Psychiatrie, par rapport aux maladies mentales sévères, a évolué de son côté en adoptant des modèles biopsychosociaux de compréhension des troubles et en mettant au point des traitements et des stratégies d’intervention individualisées et qui prennent en compte l’environnement du patient, cela grâce notamment au courant cognitivo-comportemental.

La Psychiatrie et la Réhabilitation Psychosociale ont beaucoup a gagné d’une mise en commun de leur approche respective (Bachrach, 1992). Pour nous qui avons été formé et travaillons dans des milieux plus influencés par la psychiatrie que par l’approche sociale de la Réhabilitation Psychosociale, il n’est pas inutile de méditer sur les grands principes de cette dernière, énoncés par Cnaan en 1988.

Les grands principes de la Réhabilitation Psychosociale  

Pour Cnaan, la Réhabilitation Psychosociale repose d’abord sur deux postulats :

  1. Il existe en chaque individu une motivation à développer maîtrise et compétence dans des domaines de la vie qui vont lui permettre de se sentir indépendant et confiant en lui-même.

  2. De nouveaux comportements peuvent être appris et les individus sont capables d’y avoir recours et de les adapter pour répondre à leurs besoins de base.

Les grands principes sont au nombre de 13 :

  • 1er principe : L’utilisation maximale des capacités humaines ( Full Human Capacity)

Chaque personne est capable d’améliorer son niveau de fonctionnement. La vie est un processus de croissance et de changement et chaque individu, même sévèrement handicapé, est capable de croissance et de changement. C’est de la responsabilité des professionnels de développer le niveau d’attentes que les patients ont pour eux-mêmes, de les aider à se percevoir comme capable de progrès et de les soutenir dans ce processus de croissance.

Il convient pour cela d’exploiter les forces de la personne, de travailler avec les parties saines de son Moi.

  • 2ème principe : Doter les personnes d’habiletés (Equipping People with Skills)

C’est la présence ou l’absence d’habiletés (sociales et instrumentales), et non la disparition des symptômes cliniques, qui est le facteur déterminant dans le succès de la réhabilitation. Apprendre ou réapprendre les habiletés élémentaires pour agir dans un environnement social, vivre de façon indépendante, garder un emploi, etc, vont être les objectifs du traitement. Les difficultés sont dès lors appréhendées sous l’angle comportemental, en terme de déficits ou d’excès comportementaux.

  • 3ème principe : L’auto-détermination (Self-Determination)

Les personnes ont le droit et la capacité de participer à la prise de décisions concernant leur vie. Il ne s’agit donc pas de faire les choses dans le meilleur intérêt de la personne, mais de lui permettre de prendre ses décisions et d’apprendre au travers des conséquences de ses choix.

L’auto-détermination des personnes devraient concerner également la gestion des programmes de réhabilitation auxquels elles participent. L’auto-détermination implique également que la personne soit pleinement informée sur sa maladie, ses conséquences et sur les possibilités de traitement.

  • 4ème principe : La normalisation (Normalization)

Il s’agit de permettre aux personnes souffrant de maladie mentale de vivre et de fonctionner dans les mêmes lieux que les autres (logements, loisirs, éducation, travail) ou en tout cas dans les lieux les moins restrictifs possibles. Ce principe s’oppose à la ségrégation. L’objectif idéal de la réhabilitation psychosociale est une vie indépendante dans la communauté avec le minimum de soutien professionnel. 

  • 5ème principe : L’individualisation des besoins et des services (Differential Needs and Care)

Chaque personne a des besoins propres. En conséquence, le processus de réhabilitation doit être individualisé pour ce qui est des services, de leur durée, de leur fréquence, etc. C'est du sur-mesure et non pas une action globalisante pour l'ensemble des patients au long court.

  • 6ème principe : L’engagement des intervenants (Commitment of Staff)

Engagement personnel des intervenants qui sont soucieux du bien-être de la personne et qui ont foi dans ses capacités de progresser. Les intervenants prennent l’initiative de garder le contact avec les personnes (coup de téléphone, visite à domicile) pour limiter les abandons et montrer qu’ils se soucient d’elles.

  • 7ème principe : La déprofessionnalisation de la relation d’aide (Deprofessionnalization of Service)

Les intervenants ne doivent pas se cacher derrière une couverture professionnelle. Les barrières artificielles doivent être enlevées. L’élément humain de la personne de l’intervenant est crucial dans le processus de réhabilitation. De même les intervenants doivent appréhender la personne comme un être humain avec toutes ses dimensions plutôt que sous l’angle d’un seul type de service. Une attitude de "neutralité" ne convient pas. L’intervenant répond, de façon positive ou négative, à ce que la personne dit ou fait, même au sujet de problèmes non-thérapeutiques. 

  • 8ème principe : Intervenir précocement (Early Intervention)

Il est essentiel d’intervenir le plus précocement possible dès les premiers signes avant-coureurs de rechute ou de dysfonctionnement. Le but est d’éviter les rechutes et les réhospitalisations et de préserver les acquis en compétences et en liens sociaux (travail, logement, contacts sociaux,...).

  • 9ème principe : Structurer l’environnement immédiat (Environnemental Approach)

Les interventions doivent viser à structurer l’environnement immédiat de la personne (la famille, réseau social, milieu de vie, de travail,...) pour qu’elle puisse en obtenir un maximum de soutien.

  • 10ème principe : Changer l’environnement plus large (Changing the Environment)

Une partie des interventions doit viser à changer l’environnement plus large de la personne, c’est-à-dire les attitudes et les modes de fonctionnement d’une société qui peuvent nuire à l’adaptation de personnes souffrant de maladie mentale sévère (informer le public, modifier les services médicaux, les structures d’accueil,...).

  • 11ème principe : Pas de limite à la participation (No limits on participation)

La réhabilitation psychosociale est un processus continue qui nécessite continuité des soins et du soutien et qui doit être constamment revu en fonction de l'évolution. Il importe de ne pas suspendre les services de réhabilitation en cas d’hospitalisation. S’il n’y a pas de limite de temps, il convient aussi de mettre le moins possible de critères de sélection pour l’entrée dans un programme.

  • 12ème principe : La valeur du travail (Work-Centered Process)

La Réhabilitation Psychiatrique soutient la conviction que le travail, et spécialement l’opportunité d’aspirer et de se réaliser dans un emploi rémunéré, est un besoin et une force d’intégration pour tout être humain. Il faut garder une foi dans le potentiel de productivité des personnes même lourdement handicapée par la maladie mentale. Il s’agit d’envisager un travail intégré dans la réalité sociale, pas forcément un emploi temps plein, mais des emplois souples, diversifiés tout en restant compatibles avec les besoins des employeurs.

  • 13ème principe : Priorité au social par rapport au médical (Social Rather Than Medical Supremacy)

Il s’agit de dépasser le modèle médical traditionnel: maladie, diagnostic, réduction des symptômes par les médicaments, le savoir médical qui sait ce qui est juste pour le patient, etc, pour favoriser une approche globale de la personne centrée sur son autodétermination, sur ses capacités, sur l’apprentissage d’habiletés, sur la mobilisation de son environnement social propre. Dans cette dynamique, le médical doit pouvoir s’effacer tout en restant disponible, pour laisser la place à d’autres acteurs sociaux.

Ces grands principes de la Réhabilitation Psychosociale sont pour nous qui travaillons en psychiatrie une invitation à sortir d’un modèle médical étroit et à nous ouvrir à un réel partenariat avec le patient, son entourage direct et l’ensemble des ressources professionnelles et non-professionnelles de son environnement.


Bibliographie :

BACHRACH L.L.: Psychosocial Rehabilitation and Psychiatry in the Care of Long Term Patients, American Journal of Psychiatry 149: 11, p.1455-1463, 1992

CNAAN R.A. et al..: Psychosocial Rehabilitation: Toward a Definition, Psychosocial Rehabilitation Journal, 11: 4, p.61-77, 1988

VIDON G. et al..: La réhabilitation psychosociale en psychiatrie, Editions Frison-Roche, Paris, 1995

Extrait du séminaire de Réhabilitation Psychiatrique niveau théorique, " Généralités sur la Réhabilitation Psychiatrique ", mardi 29/09/98, Guy M. Deleu, Socrate-Réhabilitation.


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