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Le modèle Vulnérabilité-Stress
et les interventions efficaces dans la schizophrénie

Pierre Lalonde* / Montréal


(Préface du manuel " Thérapie Psychoéducative Familiale et Psychoses Chroniques ", Guy Deleu et Olivier Chambon, Socrate-Editions, à paraître, décembre 98)


L’étude des facteurs contribuant à l’émergence et à l’évolution de la schizophrénie constitue, encore de nos jours, un domaine d’une grande complexité. On sait cependant au moins désormais, que cette maladie du cerveau, qui entraîne de graves répercussions psychosociales, ne peut s’expliquer par une cause unique, simple, non plus d’ailleurs que la plupart des autres maladies connues en médecine: diabète, asthme, maladies cardiaques, etc... Interviennent plutôt un ensemble d’éléments, d’importance variable qui, interagissant les uns avec les autres, provoquent l’apparition et les rechutes de cette maladie mentale complexe.

Modèle vulnérabilité-stress

La compréhension contemporaine visant à unifier ces éléments disparates est fondée sur le modèle vulnérabilité-stress qui permet de réunir les diverses facettes interreliées de cette maladie mentale. La figure suivante montre qu’il existe, chez certains individus, une vulnérabilité sur le plan neuro-psychologique, découlant d’une prédisposition génétique ou d’une constitution mentale qui les rend plus sensibles aux stresseurs socio-environnementaux. Cependant, la seule présence de ces facteurs physiologiques est insuffisante pour provoquer l’apparition de la schizophrénie; il faut que s’y ajoutent certains types de stress, par exemple, un stress toxique comme les drogues, ou un stress social comme l’expression d’émotions (hostilité, attitudes envahissantes) de la part de l’entourage, ou encore des pressions de performance, qui peuvent avoir un effet déclencheur de schizophrénie quand le cerveau est déjà constitutionnellement fragile. Il est vrai cependant, que bon nombre d’individus subissent, de façon quotidienne, de tels stress; or, ils ne développeront pas de schizophrénie en l’absence de facteurs biologiques les prédisposant à cette maladie.

Puis, une fois que la schizophrénie s’est manifestée, l’individu reste aux prises avec des symptômes résiduels qui, selon une causalité circulaire, le rendent encore plus sensible aux facteurs susceptibles de déclencher des rechutes.

Les traitements modernes visent à corriger tout autant les symptômes aigus de schizophrénie que les symptômes résiduels qui découlent de cette psychose. Et aujourd’hui, une meilleure connaissance de la psychophysiologie de la schizophrénie permet de fonder sur des bases scientifiques, plutôt qu’idéologiques, des approches thérapeutiques efficaces.

Intervention efficace

Hogarty (1991) a démontré l’efficacité de trois facteurs thérapeutiques dans la schizophrénie:

  • une médication antipsychotique;

  • une psychoéducation du patient et de sa famille;

  • un entraînement aux habiletés sociales.

Parmi les diverses approches thérapeutiques dont l’efficacité a été prouvée, la médication antipsychotique demeure un ingrédient fondamental. Mais, seule, elle est insuffisante pour permettre à la personne atteinte de schizophrénie de revenir à un fonctionnement adéquat, compte tenu du handicap induit par la maladie. Et c’est là que le rôle de la psychoéducation prend tout son sens. En effet, il est maintenant établi scientifiquement que des parents bien informés sont en mesure, non seulement de contribuer de façon majeure à la réduction des rechutes du patient schizophrène, mais aussi d’améliorer leur propre qualité de vie.

Ce livre offre donc aux thérapeutes une occasion de se familiariser avec la thérapie psychoéducative, une méthode efficace et intéressante pour améliorer la qualité de vie des malades et de leurs proches en les amenant à mieux comprendre la schizophrénie.

Droit à l’information et psychoéducation

Le droit à l’information constitue aujourd’hui un volet important de l’intervention en psychiatrie moderne. L’attitude paternaliste par laquelle le thérapeute maintenait son patient dans une relation de dépendance, est abandonnée au profit d’une relation de collaboration qui fait en sorte que le patient bien informé assume, de façon éclairée, une responsabilité dans son retour à la santé. La psychoéducation fait partie intégrante de cette démarche, car elle implique une relation d’aide qui ajoute une valeur thérapeutique à l’information offerte. Quand des patients et leur famille sont aux prises avec une maladie mentale et ses conséquences, le thérapeute ne doit pas se limiter à distribuer des renseignements sur la maladie en question; il doit encore s’assurer que cette information sera bien assimilée et donc tenir compte de la variété des réactions psychologiques possibles des personnes qui la reçoivent, d’où le nom de psycho-éducation, qui est en fait une pédagogie thérapeutique.

En s’appuyant sur une approche cognitivo-comportementale, le thérapeute peut aider le patient et sa famille à passer à travers un travail de deuil afin d’accéder à une perception réaliste de la maladie et des modifications de fonctionnement qu’elle entraîne.

Résistance des thérapeutes

Certains thérapeutes se cachent derrière une règle de confidentialité pour éviter de rencontrer la famille de leur patient. Bien sûr, au cours d’une rencontre familiale, il n’est pas question de révéler aux parents ce que le patient a confié à son thérapeute dans le secret des entretiens. Mais le patient peut fort bien communiquer à ses parents des informations qu’il a reçues de son thérapeute. Et les parents ont bien le droit d’obtenir une information exacte sur les connaissances scientifiques contemporaines concernant la schizophrénie et les diverses modalités thérapeutiques qui peuvent en améliorer le pronostic.

D’autres thérapeutes prétendent, sans preuve, que la famille a un effet néfaste sur le patient, et même que les interactions familiales seraient à l’origine de la maladie. Ils la soupçonnent d’interférer. Pourtant, des parents bien renseignés deviennent des intervenants efficaces dans les diverses phases de la maladie qui affecte un membre de la famille. Ils deviennent aussi des promoteurs actifs en matière de qualité de soins auprès des instances décisionnelles. L’approche psychoéducative place d’emblée la famille dans un rôle d’allié, de collaborateur, pour aménager un environnement capable de prévenir les rechutes.

Traitement, réadaptation et réhabilitation

En psychiatrie, la complémentarité entre le thérapeutique et la réinsertion sociale ne va pas toujours de soi. Il existe là une ambiguïté dans la définition des termes qu'on pourrait tenter de clarifier ainsi (Morissette,1998):

  • Le traitement agit sur les causes (à mesure qu’elles seront mieux connues) et les symptômes de la maladie. Les cliniciens jouent depuis longtemps un rôle important dans le traitement des maladies. Le savoir développé au cours des dernières années a ouvert des perspectives plus optimistes dans le traitement de la schizophrénie.
  • La réadaptation redonne à la personne les moyens d’agir en tenant compte de ses déficits et de ses capacités, en développant de nouvelles habiletés pour faire face à une invalidité. C’est une question de savoir-faire. En s’inspirant d’une approche psychoéducative, les thérapeutes ont mis au point, au cours des dernières années, une série d’outils permettant aux patients et aux familles de développer des stratégies de coping plus efficaces pour surmonter les handicaps qui découlent de la psychose. Socrate-Réhabilitation et le site Internet Réhab InfoWeb en présentent plusieurs exemples.
  • La réhabilitation redonne à la personne sa dignité et le pouvoir d’agir. C’est l’empowerment, le savoir-être. Comme le dit le dictionnaire, réhabiliter c’est " rétablir dans l’estime, la considération d’autrui ", des malades stigmatisés et leurs parents culpabilisés. Les cliniciens interviennent maintenant aussi au chapitre de la promotion de la santé mentale et de l’information publique, afin de favoriser l’acquisition et le maintien de saines habitudes de vie et la création d’un environnement permettant l’épanouissement de la personne.

Bibliographie

Hogarty G.E. et coll., "Family Psychoeducation, Social Skills Training, and Maintenance Chemotherapy in the Aftercare Treatment of Schizophrenia", Archives General Psychiatry, vol.48, n°4, p.340-347 (1991).

Morissette R., « Traitement, réadaptation. réhabilitation » Conférence du Dr Raymond Morissette, Montréal, Hôpital Louis-H. Lafontaine (1998).


* psychiatre, directeur du Programme Jeunes Adultes, Hôpital Louis-H. Lafontaine, Montréal, Professeur titulaire à l’Université de Montréal.


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