PRATIQUE INFIRMIERE
DE REHABILITATION DES PSYCHOTIQUES :
CHRONIQUES DANS UN HOPITAL DE JOUR. |
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Mireille Roy / Larochelle
Mon expérience en psychiatrie : dans le secteur IV Dr
PREVOST
Je m'appelle donc Mireille ROY, je suis depuis 23 ans au
CHS de La ROCHELLE, je suis infirmière diplômée de secteur psychiatrique depuis 1979 et
exerce en structure de jour depuis 1994.
Ma fonction infirmière en service intra-hospitalier
pendant 17 années m'avait amené à faire une demande pour travailler en hôpital de jour
afin de pouvoir compléter ma pratique d'un aspect qui n'est que très peu abordé dans
les structures intra : la réinsertion et la dimension sociale du patient ainsi que le
travail en partenariat
L'hôpital de jour a répondu à mes attentes, mais très
rapidement le nombre de patients accueillis dans notre structure augmentant sans que
l'effectif infirmier n'augmente, nous nous sommes retrouvés confrontés à des
problèmes.
La structure à cette époque se situait dans l'hôpital et
avait deux orientations, une orientation d'atelier occupationnel pour les psychotiques
chroniques hospitalisés et l'accueil de quelques patients psychotiques stabilisés et
vivant à l'extérieur de l'hôpital ainsi que quelques alcooliques déficitaires. Très
rapidement l'orientation de réinsertion s'est amorcée, mais les patients accueillis
avaient pour la plupart vécu en institutions : hôpital psychiatrique, centres ou foyers
d'hébergement et avaient tout à découvrir de l'autonomie. Nous avions malgré tout la
chance de gérer parallèlement un appartement de secteur qui nous permettait de mettre 3
patients en situation de réinsertion sociale avec un suivi quotidien. L'énergie
dépensée même avec beaucoup de bonne volonté, n'amenait que des résultats lents
puisque les patients quittant l'appartement de secteur pour leur propre appartement
continuaient pour la plupart à venir quotidiennement nous voir à l'hôpital de jour pour
des demandes qui ressemblaient plus à de l'assistance qu'à une recherche d'autonomie.
Exemple : il a fallu deux ans d'accompagnement hebdomadaire
aux courses pour qu'un patient réussisse à gérer seul son alimentation. N'étant que 4
infirmiers sur cet hôpital de jour et ayant une dizaine de demande d'accompagnement aux
courses, je vous laisse imaginer le tonus que nous devions dépenser pour ce seul
accompagnement avant le week-end.
Les autres secteurs de l'autonomie étaient pour la plupart
des patients aussi problématiques, que ce soit l'hygiène, les loisirs, les démarches
sociales, la prise en charge de leur santé, les liens avec leur famille, etc.
Lorsque ma surveillante m'a proposé de faire une formation
sur la réhabilitation des psychotiques chroniques, j'ai tout de suite accepté pensant
pouvoir trouver quelques techniques ou méthodes permettant à notre équipe d'obtenir des
résultats plus concrets et surtout plus rapides.
La formation a été une surprise totale, puisque de LA
ROCHELLE, je me suis retrouvée inclue dans un groupe de formation interne à côté de
VESOUL. Le formateur n'était pas celui prévu initialement et j'ai eu la surprise
d'entendre parler pour la première fois des thérapies cognitivo-comportementales. Je
dois avouer que la surprise a été très bénéfique, car en une semaine de stage, le
formateur, avait complètement modifié ma vision pessimiste de l'avenir des psychotiques
chroniques, et je suis repartie en décidant de commencer immédiatement à mettre en
pratique certains des outils qu'il nous avait fait découvrir.
Le renforcement positif que nous avions apprécié durant
le stage, me semblait un élément important car comme beaucoup de mes collègues
s'occupant de psychotiques chroniques et donc confrontés à des malades arrivant non
lavés, non coiffés, et avec des vêtements sales la plupart du temps, je me rendais tout
à coup compte qu'aussitôt après le bonjour, il y avait un reproche ou une remarque qui
suivait. Mon oeil d'infirmière doublé de celui de femme avait du mal à ne pas observer
ce qui n'allait pas. Pendant des années j'avais oublié de dire ce qui allait pour
pointer le doigt sur ce qui n'allait pas.
Les premiers essais faits dès mon retour dans mon service
m ont montré que je n'avais aucune raison de m'arrêter en Si bon chemin et j'ai essayé
de me rappeler " le small is beautiful" tant répété pendant le stage. Comment
inclure dans une équipe non formée, avec des patients non préparés une nouvelle
technique sans heurter les collègues et surtout sans mettre la barre trop haute pour ne
pas aller vers un échec.
J'ai fait pour les trois patients suivis à l'appartement
de secteur un petit carnet individuel. pour s'auto-évaluer quotidiennement sur quatre ou
cinq points précis. Deux des comportements notés ne posaient aucune difficulté au
patient, donc tous les jours il y avait des éléments où il pouvait se mettre la note
maximum. La notation allait de 0 à 5, et cette auto-évaluation se faisait en présence
infirmière. Après la difficulté rencontrée que c'est bien le patient et non pas
linfirmier qui décide des comportements qui vont être améliorables, et l'autre
difficulté qui réside au changement d'attitude des soignants qui laissent le malade dire
ce qu'il pense de sa réussite, les petits carnets ont très bien fonctionné. Les
patients avaient grâce à ce petit stratagème la possibilité d'avoir un entretien par
jour avec un soignant et devenaient moins demandeurs en dehors de ces temps qui leur
permettait éventuellement de verbaliser leurs demandes sur les autres sujets. Ce petit
carnet fait auprès d'un patient de service Intra-muros a apporté le même constat. Le
patient sait ce qui dérange les autres et choisit sans aucune difficulté le domaine de
compétence ou de comportement qu'il doit améliorer.
Le renforcement positif et les petits carnets fonctionnant
bien, l'intérêt de ma surveillante Mlle BOUDOU et sa confiance ainsi que celle d'une
collègue, après une deuxième cession de stage, j'ai décidé de créer un outil qui
serait adapté à nos besoins immédiats et d'y faire participer ma collègue Isabelle qui
envisageait de faire la formation.
Je désirais créer un atelier pour pouvoir amener
plusieurs patients à un niveau d'autonomie satisfaisant, mais les ateliers modélisés
que notre formateur nous avait montré lors de notre stage me semblait difficile à mettre
en place. J'avais fait une demande auprès des laboratoires, "le jeu de
compétence" n'était plus disponible et "le module de gestion du traitement
neuroleptique" a mis plus d'un an à nous parvenir. J'ai donc décidé de me lancer
dans la création de mon propre matériel en utilisant des photocopies du matériel
existant.
Une sacrée aventure qui a démarré avec l'achat d'un
ordinateur, d'une imprimante couleur et de conceptualiser mon atelier. Vous sourirez
peut-être en apprenant qu'à cette époque je n'avais eu un clavier d'ordinateur que deux
heures entre mes mains et que j 'ignorais tout de ce genre de machine.
Mon atelier se voulait modeste, et je voulais qu'il soit
éventuellement le premier pas vers la création d'autres ateliers.
Le niveau d'autonomie des patients pris en charge me
semblait nécessiter une approche plus progressive et commencer par aborder avec eux ce
qu'était un comportement ce que sont les habiletés sociales et instrumentales, et ce que
peuvent être la communication verbale et non verbale et bien sur la résolution de
problème.
Je n'avais pas de salle, pas de matériel, mais la
psychologue de mon secteur a accepté de me prêter une fois par semaine son bureau pour
animer mon atelier et de jouer le superviseur sur certaines séances, puisqu'elle avait un
D.U de TCC.
Les cinq patients choisis pour faire partie du 1er groupe
ont rempli le TEST de WALLACE et le projet et la maquette ont été soumis aux médecins
du secteur qui ont accepté que je me lance dans cette aventure.
Isabelle, ma collègue et co-animatrice n'ayant aucune
approche des éléments repérables pour les patients et pouvant me servir à réadapter
d'une fois sur l'autre mon animation d'atelier, j'ai créé une fiche d'observation qui
servait également de feuille d'observation de la séance pour chaque patient.
L'atelier a immédiatement fonctionné au-delà de mes
espérances puisque les patients y participant se vivaient comme privilégiés par rapport
aux autres patients de l'hôpital de jour.
L'évaluation faite à la fin de ce groupe a été positive
puisqu'un patient venant cinq fois par semaine ne venait plus qu'une fois, les autres
avaient modifié certains de leurs comportements (colères régulières devenues
exceptionnelles, le plus marquant étant la manière dont ils abordaient la rencontre avec
le médecin, avec leurs tuteurs ou leurs familles en s'appliquant à reproduire tout ce
qu'ils avaient appris d'une communication réussie.)
Je pourrais dire que cet atelier n'a été qu'un des moyens
utilisés dans l'hôpital de jour pour aider les patients psychotiques chroniques à
aborder les différents secteurs de l'autonomie. Ils m'ont très rapidement, en individuel
pour certains ne participant pas à l'atelier, demandé des prises en charge et une aide
pour mieux comprendre leur maladie, pour mieux gérer leur budget, pour diminuer leurs
angoisses sans avoir recours à un traitement médicamenteux supplémentaire, pour
préparer les entretiens avec leur médecin ou pour améliorer la relation avec leur
famille ou leur autonomie dans leurs démarches sociales.
Les trois points les plus positifs de cette nouvelle
pratique ont été:
- le malade devient acteur de son soin, il a un soignant en
face qui répond à ses questionnements et qui dédramatise sa maladie, il apprend à
vivre avec des symptômes qu'il repère, avec des difficultés qu'il peut dépasser ou
atténuer.
- les familles et les partenaires sociaux sont plus
présents autour du patient et chacun a son rôle mieux défini dans la mesure où le
bilan d'autonomie du patient est mesurable avec des tests qui redonnent justement à
chacun le rôle réel qu'il peut avoir auprès du patient. Leur implication dans le soin
et le quotidien du patient redonne à celui-ci toute une dimension sociale et familiale
que sa maladie lui avait fait perdre. Et ces personnes expriment eux aussi devant le
patient les difficultés qu'ils rencontrent et leurs limites.
Le malade se sent entouré, soutenu et la diversité des
intervenants permet rapidement une réponse plus adaptée à tous les secteurs de la vie
sociale et mobilisant donc de moins en moins le soignant qui lui ne reprend que son rôle
de soignant et d'accompagnant dans le soin. Cela entrave une réinsertion réelle du
patient dans tous les secteurs concernés par l'autonomie.
- le troisième point celui qui est essentiel dans ma
pratique infirmière, c'est que j'ai enfin des outils pour conduire à bien des soins
faits auparavant avec beaucoup de bonne volonté certes, mais malheureusement avec peu de
résultats et qui amenait régulièrement un découragement. J'ai l'impression d'avoir un
rôle propre, une meilleure perception des malades et des secteurs dans lesquels ils
doivent progresser, ce qui entraîne une meilleure perception de ce que doit être le
projet de soin pour tel patient. Je suis moins demandeuse auprès des médecins de quel
projet doit être fait pour le patient, puisque c'est le patient qui m'indique quel est le
projet qui lui semble important. Nous décidons ensemble avec le patient et le médecin
est le partenaire qui évalue et réajuste les objectifs fixés, mais dans un travail de
partenariat et de supervision.
J'ai passé mes deux dernières années en hôpital de jour
à rechercher dans tout le matériel que le formateur avait mis à ma disposition ce qui
était le mieux adapté au patient et au moment.
Je trouve cela passionnant, revalorisant dans ma pratique
quotidienne, car très concret, les partenaires sociaux avec qui je suis amenée à
travailler, que ce soit mes collègues, les tuteurs, les familles, les aides ménagères,
les services sociaux sont pour la plupart intéressés par cette nouvelle manière
d'aborder le patient et surtout que ce soit lui qui soit l'instigateur de son projet. Mais
le plus remarquable est le travail fait par les patients qui sont toujours demandeurs de
plus d'exercices pour améliorer leur qualité de vie. (exercices d'hypoventilation, de
relaxation, de mise en situation, de jeux de rôle).
Pour conclure, je rajouterais seulement que j'attends
beaucoup du fait que 15 collègues de mon secteur sont en formation actuellement et
j'espère que cela va leur donner envie de créer des ateliers hygiène, médicaments,
budget, loisirs, linge etc. tout ce qui devrait suivre et apporter aux patients
psychotiques dès leur temps d'hospitalisation.
Dans notre hôpital de jour, ma collègue Isabelle ouvre un
atelier médicament et mon autre collègue Martine un atelier linge.
J'ai démarré cette année la formation pour le D.U de TCC
pour pouvoir élargir ma pratique à d'autres pathologies que les psychotiques chroniques
et avoir une meilleure pratique infirmière auprès des psychotiques chroniques par
élargissement de mes connaissances et par la rencontre d'autres pratiques.
Je tiens à remercier les médecins de mon secteur qui
m'ont fait confiance pour ouvrir cet atelier, ma surveillante de l'époque qui m'a
encouragé et qui m'a donné les moyens de suivre cette formation et de la concrétiser
ensuite et mes collègues qui dans l'ensemble ont accueilli positivement cette nouvelle
manière de faire et d'aborder le patient.
Et ceux que je dois le plus remercier c'est les malades
psychotiques (et leurs familles ) qui sont très en attente de tout ce que je peux
apporter de nouveau dans ma pratique et qui m'encouragent à utiliser des techniques
nouvelles et qui continuent à m'apprendre ce qu'est la maladie mentale et ce dont ils ont
besoin.
Et puis bien sur merci M. Héry Rajaonson d'avoir réussi
à remotiver une infirmière qui ne croyait plus beaucoup ni à ses compétences, ni à
son désir de poursuivre dans la voie des hôpitaux de jour et de la réinsertion des
malades chroniques.
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Présentation faite à JONZAC le 7/03/1998 par Mireille ROY. |
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