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Les associations de parents en Belgique
Première partie
: Le problème des
maladies mentales sévères et persistantes du point de vue des parents
La confrontation avec la maladie
Ce
qui différencie les cas auxquels nous sommes principalement confrontés, d'autres types
de problèmes mentaux, c'est que les personnes atteintes n'ont en général présenté de
troubles caractéristiques, qu'après avoir débuté dans la vie d'une façon apparemment
"normale". Beaucoup étaient en cours d'études, ou les avaient terminées, ou
encore exerçaient une profession et avaient initié une vie de couple. L'âge moyen
d'apparition de ces troubles se situe autour de 25 ans avec une répartition qui va de
16-17 ans à 35 ans, voire plus.
Une
autre particularité et non la moindre de ces pathologies, c'est que la personne atteinte
refuse le plus souvent de reconnaître sa maladie et refuse donc de voir le médecin et de
se soigner. Elle incrimine son entourage familial ou professionnel, ou même la société
tout entière.
Les
symptômes vont du retrait de type autistique à la paranoïa la plus excessive, en
passant par les délires, hallucinations, ou comportements d'une inadaptation totale aux
contingences et règles de la vie en société. En général, le tout s'accompagne souvent
d'idées mystiques et en tout cas, d'une incapacité à assumer les tâches les plus
courantes de la vie quotidienne : soins corporels, entretien ménager, gestion
budgétaire.
Les
parents, subitement confrontés à ces comportements inadaptés chez l'un de leurs
enfants, ignoraient pour la plupart l'existence même de ces troubles. Voir cela, chez
quelqu'un que l'on aime, avec comme circonstances aggravantes, le fait de ne pas arriver
à le faire soigner et d'être enfin rejeté par lui, détermine une culpabilité et une
souffrance morale telles, que très souvent, la situation perdurant parfois des années,
le climat moral de la famille se dégrade, la santé aussi. Parfois le couple parental se
sépare, les autres enfants fuient, tant le stress engendré par ce genre de situation est
insupportable.
Il
ne faut pas oublier non plus que l'amour des parents sera comme pris en otage par la
personne malade, qui, tout en les accusant et en les rejetant, est de fait dépendante
d'eux sur le plan financier sinon affectif et appelle au secours pour régler la série de
problèmes causés par ses comportements inadéquats (problèmes de logement, dégâts
ménagers, perte ou détérioration d'objets usuels ou de vêtements, manque chronique
d'argent).
Concernant
ce manque d'argent, les situations sont diverses. Il y a les allocations de mutuelle, les
indemnités de remplacement de revenu et d'intégration, le chômage, l'intervention du
CPAS, ou absolument rien, parce que la personne malade refuse tout contact avec le
médecin ou avec qui que ce soit. Parfois, un administrateur provisoire a pu être
imposé; d'autres fois l'indemnité mensuelle, une fois perçue, est dépensée en
quelques jours en alcool, sorties, cadeaux.
Assez
souvent, soit parce qu'une crise violente permet aux autorités médicales et judiciaires
de conclure à un état de dangerosité, soit parce que enfin, après des années de
démarches des parents, ces mêmes autorités ont admis la nécessité d'aider
médicalement la personne ou parfois de protéger les parents, une hospitalisation sous
contrainte est mise en place malgré les inadéquations de la loi aux réalités du
terrain.
Cette
hospitalisation sous contrainte est la pire et la meilleure des choses. D'une part, elle
est pour une généralité des cas, le premier pas vers une prise en charge médicale et
la constitution d'un dossier permettant la reconnaissance d'un handicap et donc d'une
allocation bien nécessaire. D'autre part, elle intervient presque toujours négativement,
et ce, pour plusieurs raisons. La "brutalité" de cette intervention qui place
quelqu'un persuadé de la justesse de ses vues, en milieu asilaire, parmi des personnes
lourdement marquées par la chronicisation instituée de leur état, constitue un
traumatisme évoqué par tous les patients. De plus, les effets d'une médication de choc,
véritable camisole de force chimique, marquent douloureusement le souvenir, ce qui
interviendra ultérieurement de façon négative dans l'acceptation de la nécessité de
soins et dans la reconnaissance de la maladie.
L'insatisfaction
est générale, tant chez les patients que chez les parents, soulagés dans un premier
temps, mais très vite effrayés de l'état de zombie conscient et désespéré dans
lequel se trouve la personne que tout leur amour voulait sauver. La stigmatisation
associée à ce premier passage en hôpital psychiatrique est aussi à prendre en compte
si l'on se place dans une perspective de réhabilitation psychosociale.
Il
faut bien comprendre que jusqu'à ce moment de cauchemar que constitue l'évidence d'un
trouble psychique important chez un enfant déjà adulte ou en voie de le devenir, les
parents avaient nourri l'espoir tellement légitime de le voir après les soubresauts de
l'adolescence prolongés dans une jeunesse encore incertaine, s'installer dans les voies
d'une vie "équilibrée". Ils ont vécu de près, les qualités et les défauts,
les capacités et les faiblesses de cette personne, vis-à-vis de laquelle ils se sont
sentis responsables. Ils ont nourri des rêves, ils ont aimé. C'est cette personne qu'ils
espèrent retrouver. Dans 15 % des cas seulement, l'avenir leur donnera raison; les
statistiques démontrent qu'un épisode psychotique unique peut être suivi d'une
rémission définitive et ce, même sans médicament. Dans la majorité des autres cas, il
faudra au mieux de 5 à 10 ans, voire plus, avant que ne soient confirmées une stabilité
et une qualité de vie satisfaisante.
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