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Les associations de parents en Belgique
Première partie :
Le problème des maladies
mentales sévères et persistantes du point de vue des parents
La confrontation
avec la psychiatrie
En
attendant, les choses ne sont pas aussi simples. Il y a d'abord la difficulté de poser un
diagnostic. La psychiatrie n'est pas une science exacte. La plus grande prudence est de
rigueur et les tâtonnements avec essais et erreurs, changement de médicaments,
ajustement des doses, correction des effets secondaires des neuroleptiques, sont
l'essentiel de la pratique. De semaine en semaine, parfois de mois en mois, les visites
hebdomadaires et parfois les retours à domicile en week-end, confirment la relative
inefficacité du traitement. Certes, l'agitation, les délires et hallucinations ont le
plus souvent disparu, remplacés par la tristesse, l'abattement, les effets dyskinésiques
dus aux médicaments et une absence totale de perspectives.
Le
psychiatre est invisible, les soignants silencieux. Malgré de multiples tentatives, les
parents ne réussissent généralement pas à obtenir réponse aux questions qu'ils se
posent. Il y a à cela plusieurs raisons : * le manque de temps des psychiatres
fonctionnant en milieu hospitalier est bien connu. Ce n'est pas le lieu ici d'en analyser
les causes. * l'incertitude du diagnostic qui serait à porter à l'honneur de l'homme de
l'art, si celui-ci ne se coupait pas volontairement de la source principale d'information
que constitue le milieu de vie habituel du patient. * le climat général de défiance
vis-à-vis des parents, que certaines théories enseignées jusqu'à présent, rendaient
responsables des troubles psychiques de leurs enfants, alors que la complexité maintenant
acquise des processus à l'uvre écarte définitivement ces vues réductrices.
L'incapacité
dans laquelle se trouvent les parents de distinguer d'emblée, ce qui, dans les
comportements dérangeants de leur enfant, appartient à sa personnalité, à la maladie,
aux effets secondaires des médicaments, ne leur permet pas d'ajuster leurs propres
sentiments et leurs attitudes. Tristesse, colère, révolte alternent accompagnés de
larmes, de jugements, de remontrances, d'exhortations qui ne peuvent qu'avoir un effet
négatif sur l'évolution de la maladie.
Ces
comportements quasi inévitables, ou en tout cas fréquents de certaines familles,
s'ajoutent aux préjugés déjà évoqués. Le patient étant par ailleurs déjà adulte
et possédant même son domicile, on sera tenté de l'écarter de sa famille. La pratique
psychiatrique qui résulte de ce contexte est loin d'être performante et de plus, elle
intervient négativement dans le coût extrêmement élevé du secteur psychiatrique.
La
politique déjà en cours depuis quelques années, de diminution progressive du nombre de
lits d'hôpitaux, couplée à l'efficacité de plus en plus grande des neuroleptiques sur
les symptômes dits positifs de la maladie, font que le patient amené en état de crise
sera plus ou moins vite jugé comme stabilisé. Le psychiatre et l'équipe soignante
décideront donc qu'il doit quitter l'hôpital et ce, dans une majorité des cas, sans la
moindre consultation de sa famille, ni bien sûr, la moindre préparation à le recevoir.
Parfois,
le patient retourne dans son propre appartement, parfois il est orienté vers une maison
de soins psychiatriques ou une habitation protégée, mais, quelle que soit la formule,
l'expérience montre que la plupart du temps, ce sont les parents qui vont de nouveau les
premiers, voir que quelque chose ne va pas, et les premiers à être conscients d'une
crise qui s'annonce. 30% de ces patients rechutent dans les 6 mois. A terme de deux ans,
80% auront rechuté à une ou deux reprises, avec chaque fois réhospitalisation et
alourdissement des séquelles.
Le
découragement et la résignation des équipes soignantes est bien perceptible. Le
désarroi des parents est pathétique. Même exclus de l'information par les milieux
soignants et rejetés souvent par le malade, ils continuent à être sollicités et
impliqués par les uns et les autres, sur le plan financier, judiciaire et administratif.
Ils sont la plupart du temps, le seul support, la seule vigilance, la seule aide
logistique, la seule tentative de coordination, tant l'incapacité à vivre de leur enfant
ne peut se passer d'interventions constantes et tant le dispositif actuel de prise en
charge de ces cas est décevant. Des statistiques à terme de 3 ou 4 ans permettraient
d'évaluer le coût exorbitant de l'ensemble des dysfonctionnements.
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