J. Cottraux / Lyon
Cette conférence de consensus organisée par le professeur Kovess
du C.H.S. La Verrière, Le Mesnil-Saint-Denis sest conduite selon les principes de
conférence de consensus qui sont ceux de la " disputation " bien
connue des théologiens du Moyen Age où les Rabbins étaient opposés aux Docteurs en
théologie catholique en face dun jury chargé de peser le pour et le contre de
chaque argumentaire. On dit quà la suite de ces disputations, certains Rabbins
sétaient convertis au catholicisme, linverse semblant beaucoup plus rare. En
ce temps là, comme de nos jours, les arguments spirituels, devaient sans doute
saccompagner dincitations plus terre-à-terre. Je doute que les différents
participants ai beaucoup changé dopinion à la suite de cette conférence pourtant
très intéressante. Le principal effet positif a été que des gens venant
dhorizons différents et soccupant tous des psychoses ont écouté les
arguments des uns et des autres pendant deux jours, ce qui nest pas si fréquent. LE
jury comprenait 17 personnes présidé par J.C. Pascal et incluait des psychiatres, des
médecins généralistes, une assistante sociale, une infirmière, un chercheur
INSER M, un psychanalyste, un psychologue, un médecin réanimateur, un médecin
inspecteur de la santé et un journaliste. Les experts étaient au nombre 24 et ont
présenté brièvement les données des travaux dans le domaine des méthodes
dévaluation et de diagnostic, des chimiothérapies et des diverses formes de
thérapies qui ont été préconisées dans le domaine de la schizophrénie. Jai eu
lhonneur de présenter les thérapies comportementales et cognitives et jai
participé aux discussions sur les approches familiales où chacun le sait, le courant
cognitivo-comportementaliste a apporté beaucoup. Après audition des différents experts,
le jury sest retiré pendant une semaine pour aboutir aux recommandations suivantes
concernant les thérapies cognitivo-comportementale.
" Ces psychothérapies font référence à des modèles de
traitement de linformation, daltération de la communication, de
conditionnement opérant. Elles se proposent de modifier les comportements, les
procédures cognitives et daméliorer lentraînement aux habiletés sociales.
Lusage de ces pratiques se diffuse lentement dans les milieux
professionnels psychiatriques.
Les méthodes déjà anciennes dapprentissage par
" économie de jeton et de système de crédit motivation "
améliorent les contacts interpersonnels chez les patients déficitaires. Mais il
semblerait que le changement disparaisse avec larrête du programme. Plus récentes,
les méthodes dentraînement aux habiletés sociales utilisées chez les patients
recevant un traitement neuroleptique au long cours ont des résultats positifs sur la
gestion des symptômes, léducation au traitement neuroleptique, la recherche
demploi et de loisir.
Les thérapies cognitives, centrées sur la modification des
croyances nont apporté jusquà présent que des résultats préliminaires
encourageants. Des études contrôlées sont en cours.
Lévolution de ces méthodes est facilité par leur aspect
codifié et formalisé. Des cibles comportementales peuvent être isolées. Les résultats
sont ainsi quantifiables. Cependant, ces techniques trouvent plus facilement leurs
indications dans dautres pathologies. Leurs adéquations à la personnalité des
sujets souffrant de schizophrénie soulèvent de nombreuses interrogations. "
Il sagit bien évidemment dun consensus où aucun
spécialiste de la réhabilitation comportementale nétait présent. Cest dire
ses limites. Il a néanmoins lintérêt de souligner la valeur des méthodes
cognitivo-comportementales. On est étonné de la référence négative vis-à-vis de la
personnalité des sujets souffrant de la schizophrénie : le concept de personnalité
nétant pas lobjet dun consensus parmi les psychologues et les
psychiatres et sa mesure nayant pas reçu pour linstant de validation bien
établie. On peut aussi souligner que le consensus renvoie les psychanalystes à leur
absence de recherche : la recommandation suivante de la conférence du consensus le
montre bien : " malgré des différences de difficultés méthodologiques,
il faut souhaiter que les psychanalystes participent à des études dévaluation
comparatives ". Mais le " consensus " oublie, sans doute par
charité cuménique, de citer létude, qui lui a pourtant été rapportée, de
ECKMAN (1992) qui montrait que la thérapie de groupe dorientation psychanalytique
était nettement moins efficace quune approche cognitivo-comportementale.
Néanmoins, on peut sestimer satisfait de ce bilan qui représente un progrès par
rapport aux attitudes souvent négatives qui ont accompagné le développement des
thérapies comportementales et cognitives des psychoses quand elles ont commencé à
simplanter dans notre pays, il y a une quinzaine dannée. De toute évidence,
une action est à effectuer dans le sens dune information objective et dune
meilleur formation des soignants, aussi bien infirmiers que psychiatres. Cest ainsi
que lefficacité, qui a été mise en évidence par les études contrôlées, pourra
se traduire par une efficience dans le traitement quotidien des états psychotiques. En
effet, la lenteur dimplantation des thérapies comportementales et cognitives
soulignée avec raison par la conférence du consensus est le résultat dune
sous-information et du peu de formation dans ce domaine.